mardi 14 avril 2015

Marc Naimark Why

Marc Naimark, Chicago 2006, Gay Games
Photo mise en ligne par Charlie Carson
Marc Naimark nous a quitté volontairement, il y a quelques jours (le 9 avril 2015). Je n'arrête pas de penser à lui depuis que j'ai appris la nouvelle par Manuel Picaud sur Facebook. La nuit, il est dans mes rêves... Et je repense à ce blog que j'ai ouvert il y a près de cinq ans maintenant, le 30 octobre 2010. Le premier billet s'intitulait "Le Corps au centre des réflexions".
Marc m'avait envoyé ce commentaire: "Bravo pour ton nouveau blog. Pour ce qui est des corps, il y en a des vieillissants et daltoniens qui ont du mal à le lire". C'est le seul commentaire que j'ai reçu mais il m'avait touché. Marc était ouvert, curieux d'une curiosité de l'enfant qui cherche par tous les moyens à répondre à la question qu'il se pose...
... d'une curiosité positive, de celles qui font avancer.

En 2006, j'ai vu Marc à Chicago pour les Gay Games. Il a pris les seuls photos que j'ai de moi à l'épreuve de force athlétique. Je ne connaissais personne. Il était comme un grand frère, attentif, protecteur, tout en tendresse.
En 2008, Marc avait traduit le texte de Tom Waddell "Why the Gay Games" pour Sport et homosexualités, le petit ouvrage que j'ai édité suite au colloque de Lyon de 2006. Nous avions passé des heures à discuter de la nécessité de se plier aux contrôles antidopages pour les Gay Games. Il comprenait les enjeux symboliques comme les effets pervers de chaque décision et n'avait de cesse de travailler à ce que soient faits des choix en cohérence avec l'esprit et les valeurs des Gay Games.
Une fois que je l'avais rejoint à Paris à ce propos (il était préoccupé pour les Gay Games de Cologne sur cette question des tests antidopage) nous avions circulé dans le vingtième arrondissement de Paris, autour de Gambetta. J'avais découvert une autre facette de son militantisme. Un engagement quotidien dans son quartier. Il y avait une animation associative. Il connaissait tout le monde. Il m'a expliqué son quartier. Je sentais qu'il y était bien et voulait que tout le monde y soit bien.
C'était là le sens de ses engagements: travailler au bien commun, à une société respectueuse des différences.
Nos derniers échanges ont concerné le rapprochement auquel il travaillait avec l'OIF (l'Organisation Internationale de la Francophonie) pour Paris 2018. Lui, l'Américain si précis en français, si bon défenseur de notre langue faisait un très bon négociateur pour la francophonie. Il m'avait également demandé les coordonnées d'Irène Théry qu'il voulait inviter pour une émission d'homomicro sur l'homoparentalité et la procréation médicalement assistée. Il m'avait aussi demandé de venir un lundi soir pour parler du sport gay et lesbien et des Gay Games dans l'émission qu'il animait.
Il était derrière le micro, derrière l'appareil-photo, derrière son écran à parler et à montrer d'autres que lui.
Il me paraissait infatigable. Toujours à l'affut de ce qu'il pouvait faire pour améliorer les choses, sans jamais se mettre en avant. Il avait des analyses si pertinentes et des propos si justes qu'il ne pouvait pas être compris par tout le monde. Son intelligence fine l'amenait à une perception acérée du monde. Il observait les injustices qui le mettaient en colère, surtout quand les pouvoirs chargés de les atténuer ne faisaient rien pour les combattre.
J'aimais aussi l'humour tout en ironie qu'il utilisait pour dénoncer les absurdités du monde. Le caractère corrosif de certains de ces billets et la manière qu'il avait de mettre en avant ce qui lui paraissait juste, ou beau, de dire l'amour de ce qu'il aimait, de ceux qu'il aimait.

Aujourd'hui encore, je suis triste. Pour lui. Pour la souffrance qu'il avait en lui et qu'il effaçait pour se mettre au service des autres.  Pour les personnes qui l'aimaient et qui se demandent Why Marc? Why?


ps: En écrivant ce billet, je pense plus particulièrement aux personnes avec qui j'ai travaillé pour une raison ou pour une autre aux côtés de Marc: Manuel Picaud, Chriss Lag, Armelle Mazé, Pierre Deransart, Emy Ritt, Christelle Foucault...

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