mardi 29 décembre 2015

Le corps du rock: Lemmy Kilmister Motörhead


Lemmy Kilmister, fondateur et leader du groupe rock Mötorhead est mort dans la nuit du 28 au 29 décembre 2015. La veille de Noël, il venait d'avoir 70 ans. Le lendemain de Noël (le 26), il venait d'apprendre qu'il souffrait d'un cancer qui l'a emporté deux jours plus tard.


Lemmy n'était donc pas indestructible. Les cigarettes, le speed, l'alccol l'ont eu en stimulant un cancer foudroyant.

Sa légende s'était construite sur cette image du rockeur invincible face aux excès, invulnérable malgré son exposition dans les dernières années à une faiblesse cardiaque et au diabète.
Ses stratégies face à la maladie renforçaient d'ailleurs la légende elle-même: cesser de boire du bourbon-coca pour le remplacer par de la vodka-orange moins sucrée était sa manière d'articuler alcoolisme et diabète.

Sexe, drogue et rock'n roll. Le cocktail est connu et Lemmy y a goûté. Les journalistes se délectaient d'ailleurs à estimer les quantités de Jack Daniels qu'il a pu boire ou le nombre de femmes avec qui il a pu coucher.

Une bouteille de Jack Daniels détournée pour Lemmy
Lemmy Kilmister fait partie de ces icônes du rock aux côtés d'Elvis ou de Jim Morrison qu'il a rejoints,  d'Iggy Pop ou de Keith Richards qui lui survivent (alors que Keith Richards dans Life, son autobiographie, affirme que s'il est encore là c'est qu'il a eu la chance d'avoir toujours assez d'argent pour acheter de la "bonne" drogue, Lemmy disait il y a encore quelque semaines que s'il était toujours vivant c'est qu'il n'avait jamais pris d'héro.)
Comme toutes ces icônes, Lemmy incarnait l'esprit du rock, insoumis, insouciant, et rebelle à l'ordre établi. J'avais pensé faire un papier sur lui pour le dossier de la revue Corps ("Le Corps du rock" à paraître très prochainement). Finalement, c'est une interview de Daniel Darc, un autre corps, rock aussi, détruit aussi, parti aussi que j'ai donnée, alors que Luc Robène interviewait, lui, Denis Barthe, le batteur de Noir Désir. Mais ce corps du bassiste rock, dessiné par le son (fort, très fort), le rythme (rapide, très rapide), vraiment, c'est dans Lemmy que je le voyais. Un corps animé qui envoie une pulsation qui fait battre le sang aux tempes. Un corps passé au devant de la scène alors que le bassiste est souvent discret malgré son importance rythmique et sa maîtrise instrumentale. Un corps qui s'impose. Un corps imposant.
Motörhead 1991
Lemmy: la légende s'est construite sur scène et en dehors
C'est donc surtout son corps qui incarnait le rock, affichant une virilité aussi inaltérable que stéréotypée, non seulement par ses addictions auxquelles il a longtemps survécu, mais aussi par son look immédiatement reconnaissable, sa manière de chanter le micro haut perché, sa manière de jouer de la basse et sa façon de se camper sur scène, de lever un doigt ou de regarder le public. Tout ce que faisait Lemmy était corporellement rock. Au-delà de la technique, de la motricité, de la musique, il a joué le rock, il a montré ce que le rock, incorporé profondément, pouvait faire au corps.
Comme Iggy Pop ou Keith Richards, comme Elvis ou John Bonham il a donné un corps au rock.
Il a fourni à la palette des corps de rockeurs une tonalité propre.
Un son, une posture, une attitude.
Sa basse dressée depuis son bas-ventre crachant les watts et la testo.

Jusqu'à la nuit dernière. Sa dernière nuit, un peu après ses soixante-dix ans, un peu après Noël, tout juste après avoir appris qu'il était mangé par un cancer venu éteindre le rock en lui.

Je pense à la dernière cigarette qu'il a fumée, au dernier verre de sa vodka-orange-thérapie, à son dernier souffle.
Et j'entends sortir de son corps un dernier rugissement: "we are Motörhead and we play rock'n roll"

"40 years is a joke" Lemmy à propos de Motörhead
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